Le Contrat Social - anno I - n. 4 - settembre 1957

214 par l'éducation et la trempe professionnelles, tous ces hommes participent de la même dogmatique stalinienne. Ni l'une ni l'autre des factions aux prises n'entend accorder la théorie et la pratique du communisme ni corriger la doctrine commune en tenant compte de l'expérience acquise et des aspirations humaines à la liberté de conscience, à la dignité de l'individu, au véritable progrès social. Les désaccords entre elles sont engendrés par la volonté de puissance et s'expriment en des vues divergentes sur l' efficacité des moyens à mettre en œuvre pour perpétuer la domination de leur Parti et en étendre l'empire. Dans les conditions spécifiques où fonctionne le « système », la lutte pour le pouvoir se livre autour du secrétariat du Comité central. Bernard Shaw avait bien défini Staline comme le secrétaire d'un comité dont les membres étaient choisis par lui · précisément pour qu'ils le nomment secrétaire. Il apparaît que Khrouchtchev, de même, a pu sélectionner le présent Comité central de façon à s'assurer d'une majorité dans les circonstances critiques. En quelque mesure, le Secrétariat omnipotent créé par Staline subsiste donc sans son créateur, encore que se dessine une certaine évolution dont il serait prématuré de ·supputer les , consequences. EN EFFET la hiérarchie établie sous Staline conférait au secrétaire principal une autorité sans limites dont il usait pour s'entourer d'un Politburo (plus tard : · Prresidium) entièrement servile et pour composer un Comité central unanime à ses ordres, quitte à ne jamais les consulter et à ne les réunir que pour dicter ses instructions. Ce modus operandi n'était possible qu'en disposant, comme Staline, sans· restriction ni scrupule, de tous les moyens imaginables de haute et de basse polices, la torture et la mort étant promises à tout objecteur éventuel et à sa famille. (On sait depuis le fameux discours secret de Khrouchtchev que la torture et la mort ont même été le lot de plusieurs staliniens éminents du Politburo et de 98 membres du Comité central qui n'avaient rien objecté.) La subordination de la police aux organes réguliers du Parti et de l'État, après l'exécution de Béria, ne permet plus au Secrétariat de terroriser ainsi le Prresidium et le Comité central. Une opposition à Khrouchtchev a donc pu se former au Prresidium et une majorité du Comité central a pu se prononcer contre elle, à en croire les renseignements partiels qui ont filtré en l' occurBibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL rence. Sans entrer dans le détail de versions ignorées du public soviétique mais transmises au dehors, il faut jusqu'à nouvel avis en accepter par hypothèse le sens général, que confirme un organe du Parti à Moscou, et tenter d'en dégager l'orientation. Si vraiment le Comité central s'est rangé à l'unanimité»* derrière Khrouchtchev et ses partisans contre une majorité éphémère du Prresidium groupée autour de Molotc;>v, on assiste en apparence à une transmission du pouvoir suprême passé d'un individu à un Prresidium de 11 membres après la mort de Staline, puis tout récemment à un Comité central de 133 membres et 122 suppléants, renforcé d'une Commission de contrôle comptant 63 membres. L'assemblée qui a eu le dernier mot dans la dernière crise serait donc de 318 membres (en fait, 309 présents). La chose est peut-être d'importance majeure, bien que Khrouchtchev, sans recourir aux procédés terroristes de Staline, ait eu licence d'exercer ses prérogatives de premier secrétaire en pesant d'abord sur la désignation des délégués au dernier congrès, ensuite sur l'élection du Comité central. Mais il serait hasardeux de conclure trop tôt à une évolution politique de ce genre tant que la preuve n'est pas faite de la prééminence durable du Comité central, après l'épisode, peutêtre circonstanciel, qui a confirmé Khrouchtchev dans ses fonctions. Il y a maintenant un nouveau Prresidium de 15 membres et 9 suppléants, avec un secrétariat de 8 membres choisis parmi eux. L'inflation soudaine du Prresidium confère nécessairement une autorité accrue au Secrétariat qui en est le bureau exécutif en activité permanente. Et l'on ne sait qui, du Comité central ou du Prresidium ou du Secrétariat, sera désormais en condition de prévaloir en cas de contestation d'intérêt vital. Autant qu'on puisse le supposer, le Secrétariat a les moyens de convaincre le Prresidium et de réduire le Comité central à sa dévotion : 1es nominations, les mutations, les promotions et les rétrogradations dans l'appareil du Parti et de l'État y suffisent. Mais nul ne saurait dès à présent déchiffrer les inconnues que présentent les inconnus du Prresidium et du Comité central actuels. Aucune prévision avancée à la mort de Staline ne désignait Khrouchtchev comme personnage principal ascendant. De nos jours, mises à part des médiocrités trop connues, toute spéculation sur l'avenir d' « hommes sans bio- * Unanimité peu vraisemblable, mais il suffit d'une décision de majorité au Comité central pour qu'elle soit présentée à l'extérieur comme prise à l'unanimité.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==