Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

QUELQUES LIVRES sion de Laurat, à laquelle on ne peut que souscrire. Mais · ajoutons : un socialisme se donnant pour tâche d'humaniser les rapports de production et de garantir la liberté de consommation et d'action des individus dans l'inextricable réseau de la société moderne a-t-il quelque chose de commun, sinon l'idéal, avec le vieux marxisme? Le marxisme a représenté en son temps un gigantesque effort de rationalisation des aspirations à la liberté et à la dignité. Sous sa forme actuelle, sclérosée, dogmatique, il n'est plus qu'une prison pour l'esprit et un boulet aux pieds qui entrave la marche des hommes de bonne volonté. Le socialisme aurait intérêt à se pencher sur la psychologie des profondeurs qui apporte aujourd'hui des clartés nouvelles sur le comportement humain, sans jamais oublier que l'homme sera toujours quelque chose de plus que ce que les sciences sociales et morales sont capables de déceler en lui. MICHEL COLLINET Histoire et biologie W. STARLINGER: Limites de la puissance soviétique. Traduit de l'allemand par MARTHE DE LÉVIS MIREPOIS. Préface de M. E. MICHELET, ancien ministre. Paris, Éd. Spes, 1957, 140 pp. LE Dr STARLINGER,médecin allemand qui exerçait et enseignait à Kœnigsberg quand la ville fut occupée par l'armée soviétique, fut condamné en 1947 à dix ans de travaux forcés pour « opinions et attitudes contre-révolutionnaires», sans plus ni moins de raison valable que des millions d'individus de toutes nationalités parqués dans les camps de l'URSS. Il n'en serait jamais sorti, même à l'expiration des dix ans, n'eût été la mort de Staline (car les peines étaient prolongées automatiquement, avant l'année bénéfique 1953). Libéré en 1954, il présente dans ce livre son témoignage sur les camps et ses réflexions sur le régime prétendu communiste, sur l'homo sovieticus, sur les perspectives de la politique extérieure de l'Empire knouto-soviétique. La version française est écourtée de deux chapitres. Le témoignage s'ajoute à beaucoup d'autres et les confirme, avec les nuances qu'implique chaque expérience personnelle. L'auteur, en sa qualité de médecin, a joui de conditions relativement privilégiées et n'a pas connu les horreurs de Vorkouta ou de Kolyma (la position géographique des camps et leurs diverses catégories comportent des différences de régime intérieur très ·sensibles). En outre, le besoin de main-d'œuvre après la guerre et par suite d'une mortalité effrayante dans les bagnes avait inspiré tardivement une amélioration appréciable des conditions d'internement. Sous ces r&erves, le récit de M. Starlinger corrobore ceux des autres survivants connus et il faut en souligner l'accent de sympathie envers le peuple russe, envers Biblioteca Gino Bianco 205 les divers peuples de l'URSS, victimes de la tyrannie pseudo-communiste, sentiment qui s'exprimait déjà dans les livres poignants d'Elinor Lipper, de J. Margoline et d'autres rescapés du stalinisme. Après le témoignage viennent les opinions et réflexions de l'auteur, fondées sur ses observations et conversations par1ni des prisonniers de toutes sortes. La question se pose de savoir si un camp de concentration, ou plusieurs camps, offrent un milieu assez représentatif des populations soviétiques pour autoriser des généralisations comme celles du Dr Starlinger. Celui-ci com1nence par affirmer avec assurance que « l'homme soviétique »n'existe pas plus que le patriotisme soviétique, mais il joue sur les mots, car ses explications sur ce point tendent à montrer une Grande-Russie invincible en devenir et inspirant un patriotisme grand-russe à ses sujets de toutes origines : « soviétique » et « grand-russe » deviennent alors synonymes. Notre médecin allemand do11ne dans la terminologie pédante de ses geôliers : « Celui-ci [l'homme soviétique] est défini comme produit de culture nationale dans l'esprit de l'Internationale prolétarienne. Cette définition est un exemple modèle de la logique du matérialisme dialectique. » Un tel charabia serait précisément un « exemple modèle » de la façon dont on ne doit pas s'exprimer si l'on veut dire quelque chose d'intelligible. L'inculture soviétique n'a rien d'une << culture nationale », l'esprit de « l'Internationale prolétarienne» n'existe pas, et la « logique du matérialisme dialectique » n'a ni queue ni tête. « Ni la sauvagerie ukrainienne, ni la ruse géorgienne, ni l'indiscipline balte, ni la patience turkmène n'y changeront rien» ( à la suprématie grandrusse), écrit M. Starlinger qui s'y connaît en traits spécifiques nationaux. Pourquoi sauvagerie ukrainienne ? pourquoi ruse géorgienne ? etc. ? Ces insanités inciteraient à incriminer la morgue et la cuistrerie germaniques, si l'on avait. le goût d'aller sur ce terrain. Après un certain nombre de clichés sur la Russie et les Russes, puis de banalités sur le régime et la vie soviétiques, où se mêlent le vrai et le moins vrai qu'on ne discutera pas ici en détail, l'auteur se contredit en définissant avec insistance le « type d'homme » façonné par quarante ans de régime soviétique; peu importe qu'il le qualifie russe ou autrement. Et il se lance dans des prévisions aussi confuses que catégoriques sur le comportement éventuel de ce « type d'homme » en cas de guerre, ou en cas de soulèvement des allogènes, etc., tout en ignorant que des millions de militaires et de civils soviétiques ont fraternisé avec les Allemands lors de l'invasion de leur pays en 1941. Son ignorance va d'ailleurs se manifester de plus en plus à mesure que ses regards s'éloigneront des palissades qui lui barraient l'horizon. En effet, il se met à traiter de la « crise gouvernementale interne », dont il ne sait rien, et à prendre à son compte des rumeurs sans fondement. Il attribue « le scandale unique en son genre de la révision du procès des médecins» au seul Béria, et le mérite principal du « coup contre Béria » à

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