Le Contrat Social - anno I - n. 3 - luglio 1957

• Quelques Interrogation du marxisme LUCIENLAURAT: Problèmes actuels du soci·alisme. Paris, Les Iles d'Or, 1955, 199 pp. LE TERMEde socialisme recouvre des acceptions fort différentes depuis sa naissance simultanée en France et en Angleterre aux environs de 1830. Qu'y a-t-il de commun, par exemple, entre le socialisme de Louis Blanc et celui de Proudhon, qui vivaient cependant à la même époque? Même constatation en ce qui concerne Marx et Bakounine, qui s'affrontent dans la Ire Internationale, ou les social-démocrates russes et leurs adversaires populistes dans la Russie révolutionnaire. Quand les partis socialistes se développent dans la majorité des États européens et finissent par fusionner dans la II 0 Internationale, ils adoptent les thèses marxistes non sans les intégrer parfois dans des •traditions proprement nationales. C'est ainsi qu'en France, Benoît 1\ialon ou Jean Jaurès première manière, s'ils acceptent l'analyse économique de Marx, rejettent l'essentiel de sa conception matérialiste de l'histoire (Jaurès finit par s'y rallier). Néanmoins on peut dire schématiquement que, durant un demi-siècle, le socialisme organisé se revendique du marxisme sur les plans économique, sociologique et historique. Or, depuis trente ans et surtout depuis la dernière guerre, le socialisme européen semble s'inspirer davantage du révisionnisme de Bernstein, violemment condamné par Kautsky et Rosa Luxembourg au début de notre siècle. Il suffit de comparer les résolutions du congrès international d'Amsterdam (1904) avec celles du congrès récent de Francfort (1951) pour mesurer à quel point le socialisme occidental est entré dans le moule démocratique. Il n'est plus aujourd'hui question de la tactique «éprouvée et glorieuse » de lutte de classes ni du refus d'accéder au gouvernement en régime bourgeois. En cinquante ans, on ne voit pas de parti socialiste qui n'ait participé au pouvoir dans les nations démocratiques d'Europe ; le but commun des partis socialistes, exprimé à Francfort, est de faire prévaloir « un ordre économique où l'intérêt général prime l'intérêt de profit ». Derrière cette formule prudente, qui ne saurait différencier un:parti démocratique parmi d'autres, il est clair Biblioteca Gino Bianco Livres que rien ne reste de la vieille conception marxiste du x1x0 siècle. Lucien Laurat n'a pas de peine à parler d'un «malaise» dans la pensée socialiste ou même d'une crise doctrinale : au marxisme plus ou moins abandonné, et dont on ne trouverait encore que quelques poncifs dans les phrases de la «gauche » socialiste, aucune idéologie systématique et adoptée universellement ne succède. De son côté, le bolchévisme et ses succédanés extérieurs sont une contrefaçon des idées de Marx et Engels, une affabulation destinée à couvrir les actes d'un pouvoir esclavagiste qui vise à sa propre conservation. La cause du <c malaise » socialiste, Laurat la décèle dans le fait que la société du xx0 siècle n'est plus celle du temps de Marx. Le capitalisme a changé de visage. Concentré autrefois dans la personne du patron, propriétaire et chef d'entreprise, il s'est depuis dilué dans la masse anonyme des porteurs d'actions en même temps que se répartissaient les différentes fonctions cumulées chez le capitaliste industriel, vieux style. Dans les grandes sociétés industrielles, le commandement appartient à des salariés, la puissance, à des groupes bancaires, maîtres des conseils d'administration, et la propriété, à une poussière d'individus sans pouvoir ni responsabilité. Laurat désigne cette situation d'un mot pittoresque, le ,, no 1nan's land de la propriété ». Il faut ajouter à cela les entreprises publiques appartenant à l'État ou aux collectivités locales qui groupent près du quart des salariés en France et où se retrouvent, sous d'autres formes, la même disjonction entre le commandement, la puissance et la propriété. A côté de ces formes développées et souvent récentes subsistent cependant de nombreuses entreprises petites et moyennes, bâties sur le schéma classique du x1x0 siècle, où propriété et gestion se trouvent encore combinées dans la personne du patron. Les revenus non salariés procèdent davantage de la position sociale du bénéficiaire, c'est-à-dire de ce que Laurat appelle sa «puissance », que du droit de propriété. Dans la propriété moyenne du type traditionnel, Laurat pense que le profit capitaliste se réduit au salaire de direction, le reste étant pompé par le fisc ou les prix de monopoles. Cela ne paraît que partiellement vrai, car on trouve même dans les entreprises moyennes une politique d'auto-financement, indépendante du salaire de

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