Le Contrat Social - anno I - n. 2 - maggio 1957

94 8. En outre, l'Équipe d'initiative pourrait étudier la coordination éventuelle du programme scientifique avec les nécessités générales de la politique culturelle française. Les sciences de l'homme peuvent être appelées à jouer un rôle bienfaisant dans la vie de l'Europe occidentale, de la Méditerranée, de l'Afrique et du Levant, parce qu'elles peuvent fournir à cette zone d'intérêts français les . éléments de cohésion spirituelle, de rajeunissement et de renaissance qui semblent tant lui manquer maintenant. Le programme scientifique lui-même, loin de se confiner dans les régions sublimes de la curiosité pure, pourrait tenir compte de cette mission largement humaine et française ; et la . politique autour de la Mer Centrale pourrait profiter à son tour des enseignements de la science. C'est dire que· le programme scientifique gagnerait à se doubler d'un programme de vulgarisation et de propagande, mais dans le meilleur sens de ces mots. Les jeunes intelligences françaises, qui ne voyaient guère du monde de la Méditerranée et de l'Empire africain que les aspects de pittoresque et les avantages de carrière, en découvriront peut-être la réalité plus profonde, la qualité de « continent » culturel dont la France fait partie ; vice versa, les voisins méditerranéens et africains trouveront, avec elle, et non plus contre elle, les motifs de concorde dont tous ont le plus grand besoin, face aux barbaries diverses qui menacent l'antique civilisation méditerranéenne. QUANT AUX parties historiques du programme, et sans entrer dans le détail des initiatives à prendre, on soulignera quelques faits intéressant à la fois la science et la politique culturelle françaises en Méditerranée et au Levant. L'œuvre du Service archéologique français en Syrie et des entreprises diverses qu'il coordonnait avait abouti dans les dernières années d'avant guerre ·aux découvertes les plus importantes dans l'un des domaines principaux de l'histoire méditerranéenne. Il s'agit notamment des textes de RasShamra, en dialecte phénicien, ou cananéen, ou hébreu, ou apparenté .(expressions pratiquement équivalentes) et des trouvailles archéologiques de tous ordres sur les divers sites de Syrie et du Liban. Tout cela projetait une lumière nouvelle sur le caactère du monde phénicien et biblique et, permrettait désormais d'en établir la profonde unité d'en étudier les liens avec toute la région méditerranéenne. Cette découverte, ou redécouverte (car les Anciens n'ont pas ignoré le fait), avait été prévue, prédite par un grand Français, Victor Bérard*, qui mourut avant d'y pouvoir as_sister. Elle était capitale. Elle intéressait la Méditerranée pré-hellénique et pré-romaine, les origines des civilisations classiques, la formation et la nature de la * Il est tout à l'honneur de René Dussaud, qui avait souvent combattu les idées de Bérard, de s'être rendu à l'évidence et d'avoir repris certaines des thèses de son ex-adversaire. Ce cas de probité intellectuelle mérite d'être relevé, car il est rare. · BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL Bible, du Judaïsme, du Christianisme, de l'Islam - bref, la civilisation méditerranéenne en entier. Elle en proclamait la solidarité, depuis les origines. C'est en France que quelques cerveaux apprécièrent toute la portée de l'événement. René Dussaud s'en fit l'interprète, montrant le caractère cananéen des Hébreux et de leur Bible, donc leur appartenance au fonds commun de la Méditerranée et de l'Occident, plutôt qu'à l'Orient et à l'Asie. Corn-prise en France, cette vérité· le fut aussi à l'autre extrémité du monde méditerranéen, chez ceux qui dès avant la guerre préparaient le· relèvement d'Israël. Malheureusement, cette compréhension resta individuelle, elle ne pénétra guère dans les milieux officiels et les grands publics cultivés. Raison de plus pour tenter de ce côté un effort de pédagogie d'autant plus urgent qu'il répond à certaines nécessités pressantes de l'équilibre ~ culturel et politique en Méditerranée. Les découvertes de l'archéologie française au Levant produisirent une profonde imp.ression dans les milieux scientifiques et cultivés à l'étranger, notamment dans les pays anglo-saxons. Dans les sciences bibliques .et les études sémitiques, on leur accorda tout de suite une attention considérable, mais qui répondit surtout à la préoccupation de défendre vaille que vaille une certaine _notion, protestante de la Bible, du judaïsme et ·du sémitisme, notion dont la signification pratique n'était pas négligeable, puisque les positions anglosaxonnes au Proche-Orient reposaient en grande partie là-dessus. Certes, la science officielle française a fait un bel effort en mettant à la portée de tous les trésors des fouilles syriennes ; des éditions telles que la revue Syria ou les publications du Service des Antiquités du Haut-Commissariat en Syrie et au Liban, d'une présentation parfaite, ont beaucoup fait pour maintenir à l'étranger le renom de la France scientifique. Et pourtant, l'essentiel n'a pas encore été accompli : la France n'a pas songé à exploiter, à son profit comme au profit de la solidarité méditerranéenne, les grandes valeurs spirituelles de l'antiquité proche-orientale. Les efforts de la science française ont révélé ·une grande civilisation - celle que les Grecs dénommaient « phénicienne » - une civilisation encore païenne et pré-judaïque, dont la langue était le cananéen ou hébreu, et qui vient désormais prendre sa place dans les cadres de l'histoire méditerranéenne entre le Nil, la Mésopotamie et ~'Égée, tout en se rattachant par ses prolongements carthaginois aux destinées de l'Extrême-Occident africain et , europeen. , L'ARCHÉOLOGIE française, plus que toute autre, a donc transformé radicalement les proportions du problème sémitique tel qu'on le définissait au x1x0 siècle *. On sait, ou du moins on devrait savoir aujourd'hui, que le Sémitisme, * Cf. Renan, par exemple.

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