66 volume de traités et documents publics relatifs au système des pactes de Moscou avec les pays de l'Est. Dans le présent volume, les principaux discours prononcés au congrès par Khrouchtchev, Chepilov, Souslov, Mikoïan et Joukov sont traduits in extenso: un discours de Malenkov figure en longs extraits. La fameuse attaque de Khrouchtchev contre Staline lancée à une réunion secrète du congrès est traduite du texte anglais paru dans le New York Times. Le testament de Lénine de 1922, cité dans la discussion sur le mythe de Staline, figure également en annexe. Les autres documents comprennent notamment un extrait de BorbaJ organe communiste de Belgrade, qui reflète le rapprochement idéologique entre les ailes soviétique et yougoslave du communisme, et des listes complètes de membres de tous les organes supérieurs du Parti en Union soviétique et dans les républiques constitutives à la date de février 1956. Comme compilation sélective de documents, le livre est utile ; toutefois des réserves s'imposent sur les commentaires de M. Meissner. Le lecteur critique notera que certaines des interprétations qu'il donne ne pourraient guère venir d'un historien de formation. L'auteur est enclin à prêter un sens politique à tout ce qui s'est passé au congrès, jusqu'aux actes pour lesquels il y avait d'autres motifs parfaitement évidents et raisonnables. De plus il croit pouvoir dire de tout fonctionnaire du Parti, du sommet aux échelons inférieurs, s'il est «l'homme>> de Khrouchtchev ou de Malenkov, partisan de telle ou telle nuance tactique, etc. Bien souvent ces affirmations se fondent sur des renseignements étrangers au sujet. Celui qui, à un moment donné, a servi sous Malenkov doit être considéré, selon Meissner, comme un tenant de Malenkov dans toutes les situations d'aujourd'hui. Celui qui a travaillé il y a vingt ans avec Khrouchtchev en Ukraine doit être encore son confident aujourd'hui. Tel est parfois le cas, mais certes pas toujours. Les Russes, les Ukrainiens ou les Géorgiens sont eux aussi capables de changer d'opinion, surtout sur des questions distinctes. Certains ont pu travailler sous les ordres de chefs qu'ils n'admiraient nullement sans réserve ou être obligés de remplir des fonctions qui ne correspondaient pas à leurs opinions personnelles. Meissner est trop prudent pour tomber dans l'erreur de certains autres commentateurs qui traitent toute la politique intérieure et étrangère de l'Union soviétique comme une constante bataille entre cliques de dirigeants et tendances idéologiques. Il verse néanmoins parfois dans ce genre de spéculation, avançant des affirmations sur des groupements pour lesquelles ni ses amples matériaux biographiques ni les autres informations dont on dispose ne fournissent de données suffisantes. Une autre tendance qui brouille par moments le tableau que brosse Meissner des événements de Moscou est celle de surestimer les motifs idéologiques des actes des politiciens soviétiques d'aujourd'hui. Bien que pour un Lénine ou un Boukharine les considérations théoriques aient BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL pu être jadis un facteur essentiel des décisions politiques pratiques, ces motifs jouent assurément un rôle bien moindre pour un Boulganine, un Malenkov ou un Mikoïan. Personne ne mettra en doute que pour les successeurs de Staline, professer les dogmes communistes va de soi. Mais bien souvent ils se servent d'arguments théoriques uniquement pour justifier leurs actions politiques post facto) dissimulant leurs véritables motifs plutôt que les clarifiant. Les véritables motifs sont d'une nature purement pragmatique, pr~tique, à un bien plus haut degré que dans les premiers temps du léninisme. Professer le communisme n'a pas beaucoup plus de signification pour les ministres soviétiques d'aujourd'hui que n'en avait pour un vizir turc du x1xe siècle de professer l'Islam ou pour un ministre du gouvernement allemand au temps de Bismarck d'appartenir à l'Église chrétienne. En parlant du cynisme d'un Vychinski ou des comptes rendus économiques d'un Boulganine ou d'un Malenkov à des communistes invétérés, on se rend compte du déclin en tant qu'impulsion religieuse de la foi marxiste. Le prétendu retour de Staline à Lénine opéré au XXe Congrès ne représentait pas une renaissance de l'ancienne foi, mais simplement un moyen de rationaliser l'abandon des dogmes staliniens. Meissner voit dans la direction actuelle de l'Union soviétique un pouvoir de deux hommes, Khrouchtchev et Boulganine, qui dominent ensemble l'appareil du Parti et de l'État et qui doivent se maintenir à la fois contre une aile plus réformiste, représentée par Malenkov, et contre un autre groupe, conduit par Molotov, qui veut rétablir le stalinisme. Cette façon de voir a des côtés apparemment plausibles mais simplifie trop la situation. Certains faits ont montré clairement que Khrouchtchev et Boulganine ne peuvent en aucun cas réunir en leur personne tout le pouvoir politique dans leur vaste empire, qu'au contraire d'autres membres moins en vue du présidium du Parti continuent à prendre une part importante à la « direction collective». L'apparition de Souslov (chef du Bureau étranger du Parti et ancien secrétaire du Kominform) dans les relations avec la Yougoslavie, la désignation de Mikoïan pour d'importantes missions à l'étranger, de Helsinki à Pékin, et la participation de Kaganovitch et de Pervoukhine (ainsi qu'à un degré moindre de Sabourov) à d'importantes décisions de politique économique font paraître trop hâtive l'hypothèse d'un simple duumvirat. Des deux patrons supposés, , soit dit en passant, Khrouchtchev est le plus actif en ce sens qu'il a prononcé le plus de discours. Mais il reste à voir si, pour cette raison, il est nécessairement le seul homme exerçant le pouvoir. Rien ne prouve qu'il joue le rôle décisif dans les délibérations avec ses collègues ni dans la conscience nationale. * * La vetsion de M. Meissner n'a rien d'original : elle a cours dans toute la presse occidentale, avec des variantes qui ne reposent que sur l'imagination des rédacteurs. Plusieurs articles l'ont réfutée dans le même esprit que M. Birnbaum, mais de façon plus raqicale. N. d. l. R.
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