Le Contrat Social - anno I - n. 1 - marzo 1957

B. LAZITCH mues jusqu'alors. De formes évolutives des forces productives qu'elles ·étaient, ces rapports deviennent des entraves à ces for ces. Alors s'ouvre une ère de révolution sociale.» Applicable à la Révolution française, cette théorie n'a rien de commun avec les révolutions à étiquette communiste en Russie et en Chine, ni a fortiori avec la situation en Hongri~ . * Dans ce dernier cas, on verse en pleine confusion : même pour Moscou la démarcation entre révolutionnaires et contre-révolutionnaires devient mouvante et incertaine. Quatre chefs communistes, qui personnifient plus ou moins l'action révolutionnaire en Hongrie, ont passé successivement et alternativement de la révolution à la contre-révolution ou inversement. Bela Kun chef révolutionnaire en 1919, exécuté , . comme contre-révolutionnaire en 1938, redevient révolutionnaire le 21 février 1956 à titre posthume. Mathias Rakosi, révolutionnaire modèle pendant plus de trente ans, est à présent exclu du Parti et, par conséquent, cesse d'être révolutionnaire. Imré Nagy, exclu en 1955 comme opportuniste, donc contre-révolutionnaire, surgit une année plus tard comme président du gouvernement communiste, donc révolutionnaire, pour être enlevé et déporté ensuite . par _les Soviétiques en tant que contre-révolutionnaire. Finalement J anos Kadar synthétise les deux vocations, policière et révolutionnaire : « dans la · ligne » jusqu'en 1951, rénégat depuis lors, révolutionnaire exemplaire depuis le 4 novembre 1956 - jusqu'à quand, on ne peut le prévoir. En fait, la classification soviétique des révolutionnaires et des contre-révolutionnaires n'exprimait aucune réalité même au temps de Lénine, et à plus forte raison sous Staline et ses héritiers. La révolution de notre époque ne se définit ni par l'étiquette du parti qui réclame le pouvoir (d'autant moins lorsque deux partis communistes s'affrontent, comme en Yougoslavie, après 1948, le titiste et le stalinien, ou en Hongrie, le P. C. de Nagy et le P. C. de Kadar), ni par la nature de la propriété des moyens de production (les deux for ces en lutte étant souvent unanimes pour la socialisation de l'industrie). Elle se définit comme au x1xe siècle par ses objectifs : conquête des libertés nationales, politiques et individuelles. * )1.. )1.. La récente révolution d' Octobre en Hongrie, comme toute autre révolution, apporte en * A moins d'a1>pliguer, comme le faisait en octobr~ dernier un auteur 1>olonaisLcitéen l>• 50 du 1>résent .f~sc1cule], la théorie marxiste ainsi définie au régime « stahn1en », 1>our reconnaîtreen celui-ci« le 1>rinci1>oabl stacle.audévelo1>1>ement des forces 1>roductives ». Biblioteca Gino Bianco· 43 même temps des éléments nouveaux et confirme des vérités anciennes. Elle correspond tout d'abord à cette définition formulée par Lénine lui-même : La loi fondamentale de la révolution, confirmée par toutes les révolutions et en particulier par les trois révolutions russes du xxe siècle, la voici : il ne suffit pas, pour que la révolution ait lieu, que les masses exploitées et opprimées aient conscience de l'impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Il faut, pour que la révolution ait lieu, que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C'est seulement lorsque les « couches inférieures » ne veulent plus de l'ancien régime et lorsque les « couches supérieures » ne peuvent plus continuer cet ancien régime, c'est seulement alors que la révolution peut triompher. En d'autres termes, cette vérité s'exprime par la proposition suivante : la révolution est impossible sans une crise nationale générale (des exploités et des exploiteurs). La situation en Hongrie en 1956 était bien conforme à cette formule de Lénine. · Sur un autre point la révolution hongroise rejoint la tradition révolutionnaire : une révolution, même d'un petit peuple, menace automatiquement par son rayonnement l'empire de la « puissance protectrice ». La fameuse « intervention étrangère» dans la guerre civile en Russie, dont les bolchéviks ont pris prétexte ~ pour forger toute une légende, ne fut qu'un jeu d'enfants, comparée à l'agression soviétique en Hongrie. Un détail caractérise la confiance illimitée des maîtres du Kremlin dans leur force militaire - état d'esprit classique de contrerévolutionnaires, incapables de mesurer à sa ·juste valeur la puissance de foi et de sacrifice des révolutionnaires : lorsque à l'aube du 4 novembre dix di visions soviétiques se précipitèrent sur Budapest et les centres vitaux du pays, un communiqué de la Pravda, soi-disant envoyé de Budapest quelques heures plus tard, affirmait laconiquement : « Ce matin les for ces du complot réactionnaire contre l'ordre démocratique-populaire de la Hongrie ont été écrasées». En réalité, même un mois plus tard, ces « forces réactionnaires », en dépit de la présence des blindés soviétiques devant leurs usines, étaient encore capables de proclamer une grève générale. La révolution hongroise a remarquablement appliqué deux moyens de lutte associés à tort aux communistes : la grève générale et le fonctionnement de Soviets. La grève générale, commencée le 10 décembre à minuit sous l' occupation militaire soviétique dans la Hongrie meurtrie, affamée, saccagée, dont des dizaines de milliers d'habitants traversaient clandestinement

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